Je profite de cette fin d'année pour faire un petit point sur mon parcours de thèse.
1. Comment je me sens en cette fin de première année ?
Je me sens fatiguée mais plutôt épanouie. Je prends beaucoup de plaisir à travailler ma recherche. C'est même parfois compliqué d'avoir autant d'appétance parce que du coup j'ai souvent du mal à me cannaliser pour restée centrée sur ma question de recherche uniquement. Le champ de recherche que j'ai choisi a à peine été entrouvert en France, et de ce fait, tous les jours de nouvelles questions s'imposent à moi qui, chacune, pourrait donner lieu à une recherche à part entière. Il me faut donc faire preuve de volonté et de patience pour ne pas me disperser. A part ce détail, le travail de recherche en général me plaît beaucoup. Ca m'apporte de la joie et de ce fait je procrastine peu et j'arrive à avancer.
Par contre, comme je le disais, je suis fatiguée. L'intensité du rythme de la thèse y est pour quelque chose, c'est certain, mais pour ma part c'est plutôt les à-côtés qui m'épuisent. Je suis maman de 3 petites filles que j'adore, dont une que je garde à plein temps (- de 3 ans), qui me demandent beaucoup de temps et d'énergie. J'ai accepté un temps partiel pour pouvoir contribuer financièrement aux besoins de ma famille. J'ai la chance que cet emploi me donne en même temps un accès à mon terrain de recherche, ce qui me permet de ne pas perdre trop de temps pour ma thèse, mais c'est un travail assez énergivore et chronophage malgré tout. De ce fait, j'avance, pour le moment, surtout au niveau terrain, et assez peu au niveau théorique puisqu'il me reste très peu de temps pour les lectures et l'écriture.
Bref, c'est plutôt l'accumulation de tout ça qui me fatigue, et je pense que ça devrait amener l'institution universitaire à remettre à plat le principe de thèse. Telle qu'elle est conçue aujourd'hui, cela s'adresse surtout à des étudiants jeunes en formation initiale. Il faut avoir une large disponibilité, ce qui n'est pas forcément évident pour les personnes comme moi qui reprennent leurs études sur le tard, avec déjà une famille, un emploi etc... Et c'est d'autant plus vrai lorsqu'on n'a pas de financement de thèse (très commun en SHS). Je comprends bien qu'étant le diplôme le plus élevé, la thèse doit se mériter. Mais je suis malgré tout convaincue qu'on devrait pouvoir accéder au grade de docteur sans avoir à mettre de côté toute vie familiale, sociale et professionelle. On parle quand même d'un marathon de 3 à 5 ans. Pour tenir aussi longtemps en restant équilibré mentalement, ces autres dimensions de la vie me semblent particulièrement importantes.
2. Où j'en suis ?
Cette année, j'ai travaillé sur deux fronts :
_ au niveau théorique, j'ai entamé la bibliographie, avec pour objectif principal de bien préciser ma problématique et les contours de mon terrain. Comme je l'expliquais au dessus, par manque de temps, il me reste encore beaucoup à lire, mais pour ce qui est de ma problématique j'ai bien avancé. J'avais posé, en début d'année, quelques questions de recherches, mais mon projet nécessitait vraiment d'être précisé. Et là, j'ai le sentiment de savoir un peu mieux où je vais.
_ au niveau terrain, c'est vraiment là que j'ai le mieux avancé. J'ai énormément écrit sur mon expérience et mes observations, ce qui, d'ailleurs, a contribué à préciser ma problématique. Il y a encore beaucoup de travail, et là actuellement je suis en train de préparer mon dispositif de recueil de données.
Par ailleurs, au niveau de l'écriture, j'avance tout doucement. N'ayant qu'à peine commencé à récolter des données de terrain, je ne suis pas encore en mesure de vraiment me lancer là-dedans, mais j'ai malgré tout commencé à écrire des petites choses, comme par exemple mon cheminement vers cet objet de recherche, cette problématique etc... Et puis j'écris un peu sur ce blog, cela me permet de poser quelques briques, tout en entretenant l'habitude de l'écriture.
3. Comment s'annoncent les mois à venir ?
Mon travail des mois à venir va s'orienter sur 2 axes :
_ le premier consiste à proposer une philosophie de l'éducation qu'on pourrait qualifier de "négative", dans le sens où elle ne se fonde pas sur "ce qu'il faudrait faire" pour éduquer les enfants, mais sur "ce que l'on pourrait/devrait s'abstenir de faire". Mon idée générale est qu'une posture interventionniste en éducation, en plus d'être potentiellement aliénante pour l'enfant, peut venir entraver le bon déroulement des processus d'apprentissage spontanés. Dit autrement, je pose l'hypothèse qu'éduquer activement (organiser, programmer, contrôler etc...) en réalité déséduque plus que cela n'éduque. De mon expérience de terrain en école démocratique, j'ai pu observer que les apprentissages se font, que les éducateurs soient proactifs ou non, ce qui pose la question de "qui" ou "quoi" éduque en réalité, et également de l'intérêt réel de dépenser autant d'énergie pour suppléer un processus qui est déjà pleinement efficace en lui-même. Cela consistera donc à croiser des éléments théoriques, philosophiques avec des éléments ethnographiques et praxiques.
_ le second se situe dans la continuité et consiste à reconnaître qu'un passage brutal du paradigme "éducation" à un paradigme "non-éducation" ne serait ni réaliste ni même souhaitable et à s'interroger sur la(les) transition(s) possible(s) de l'une à l'autre. En m'appuyant d'une part sur mes observations et la reconstitution historique de l'école dans laquelle j'interviens, et d'autre part sur les témoignages des personnes qui ont entamé cette transition dans un cadre scolaire, je voudrait tenter de décrire au plus près les différents processus à l'oeuvre, les résistances rencontrées, les ressources disponibles, les stratégies tentées et leurs résultats... Très concrètement, ici, mon travail des mois à venir va consister à préparer et mettre en oeuvre mon dispositif de recueil de données.
4. Quoi d'autre ?
Une thèse, c'est une formation pour et par la recherche, certes, mais c'est aussi une formation qui vise, à terme, une insertion professionnelle. Selon l'orientation envisagée, et c'est d'autant plus le cas s'il s'agit d'une carrière académique, c'est dès le début de la thèse qu'il faut s'y prendre, même si une thèse dure longtemps. Cela signifie développer des collaborations scientifiques, dans ou hors du laboratoire auquel on est affilié, soumettre des articles ou des communications, organiser des événements scientifiques, participer à des expertises, donner des cours etc... Cette première année, j'ai surtout pris mes marques, essayé de comprendre comment fonctionne ce "monde étrange". Dès l'an prochain, il va falloir que je m'investisse davantage là-dedans.